Chapitre 2

 

Appartement des Oswald - Lawson

Eleanor cligna des yeux. Les rayons du soleil avaient envahi le salon et commençaient à l'aveugler :

« - Garret, tu ne veux pas me fermer ces rideaux ! Ca fait trois fois que je te le demande ! Ca devient vraiment agaçant ! !

- Minute, tu ne vois pas que je suis occupé pour le moment ?

- Trois fois, Garret. Trois fois !

- Voilà, voilà – Le jeune archéologue s'approcha de la baie vitrée et tira sur le cordon. – Plus de soleil, finito, t'es contente ?

- Oh c'est bon !

- Tu t'es levée du pied gauche ou quoi ?

- Mais non… C'est tout ça. – Elle se leva et s'avança vers son ami. – On est debout depuis quoi ? Deux heures ? Et aucune trace de Morgan ou même Fergus. Tu pourrais penser qu'il aurait pu me laisser un message : mon cœur, je suis parti acheter des croissants, ne t'inquiètes pas, je t'aime. Mais non, rien ! J'ai tout quitté pour lui, sans poser de questions ! Tu ne trouves pas bizarre toi que ce soit des mercenaires qui assurent notre protection ? Peut-être qu'Ira faisait parti de la pègre ou quelque chose comme ça ?

- Je me pose les mêmes questions que toi, bien sûr. – Répondit Garret d'une voix rassurante. - Mais ce que je vois moi, c'est une femme désespérée qui attend un peu plus d'attention de la part de l'homme qu'elle aime, et c'est normal. Seulement, mets-toi à la place de Morgan. Il subit les mêmes pressions que nous, si ce n'est plus. Il t'aime. Sinon pourquoi t'aurait-il demandé de l'accompagner ? – Eleanor esquissa un léger sourire.

- Je ne te savais pas aussi fin psychologue.

- Profites-en, ça ne va pas durer… Et en plus c'est gratuit ! – Une lueur malicieuse venait de passer dans le regard du jeune homme

- Et moi qui commençais à te prendre au sérieux. – Fit Eleanor en secouant légèrement la tête.

- Chassez le naturel, il revient au galop.

- J'avais remarqué. – Elle déposa un baiser sur le front de Garret où quelques mèches folles trônaient. – Merci, t'es un ange.

- Mais de rien Mademoiselle. – Il inclina la tête – Bon, je vais prendre une douche, ça te dit ?

- Garret !

- J'aurai au moins essayé.

- Allez, oust ! – Eleanor attrapa un des coussins du canapé et le jeta sur Garret. – Hors de ma vue !

- D'accord, d'accord, pas la peine de t'énerver ! »

Garret se précipita hors du salon, tentant d'éviter la pluie de coussins qui s'abattait sur lui, tandis qu'Eleanor se laissa tomber sur le canapé, un projectile entre les bras. Garret avait raison. Ce devait être dur pour Morgan, terriblement dur. Tel qu'elle le connaissait, il devait être en proie à de nombreux tourments. Pour les avoir entraîner, elle et Garret, dans cette sordide histoire. Et puis, il y avait Gabe. Il devait énormément s'inquiéter pour lui. La mort d'Ira. La fuite… Oui, elle n'avait pas le droit de lui en vouloir. Pas aujourd'hui. Pas après tout ce qui venait de se passer.

 

Université LaFayette

La sonnerie qui annonçait la fin des cours pour la matinée venait tout juste de retentir. Les premières portes des amphis s'ouvrirent et bientôt, des centaines et des centaines d'étudiants déferlèrent dans les couloirs. Une jeune fille brune attrapa la taille d'un grand baraqué qui se retourna le sourire aux lèvres avant de l'enlacer. Un groupe de midinettes qui rigolaient bêtement passèrent à côté de ce couple sous l'œil avide d'un binoclard au physique ingrat et suivies de deux jeunes gens en grande conversation. Gabriel et Holly tournèrent à gauche et empruntèrent les escaliers. Sur le mur on pouvait lire, Réfectoire – étage inférieur :

« - T'es dingue !

- Arrêtes un peu avec ça ! – Rétorqua Gabe à l'encontre d'Holly. – Je ne suis pas fasciné par les tueurs ! Je m'intéresse simplement aux mécanismes qui poussent une personne à commettre un meurtre. C'est ça qui est fascinant. Ca pourrait très bien t'arriver, comme à moi.

- C'est bien ce que je dis, t'es dingue. – Gabriel leva les yeux au ciel.

- D'accord, je laisse tomber, t'es contente ?

- Oui – Holly souriait, l'air satisfaite. »

Ils franchirent une porte à doubles battants et se retrouvèrent dans un hall identique à celui de l'étage supérieur. Au centre, un espace de repos avait été aménagé. De forme circulaire, il était entouré par une rangée de plantes et arbrisseaux divers. Un petit passage permettait de descendre jusqu'à une petite fontaine rectangulaire de granite rose, encerclée elle-même par sept ou huit bancs en bois d'acajou. De chaque côté de cette fontaine, se dressaient des panneaux indicateurs. Les deux nouveaux amis poursuivirent leur route en direction du self :

« - Et si on parlait de toi ? – Proposa Gabriel

- Il n'y a pas grand chose à dire. – La jeune fille avait détournée son regard, quelque peu embarrassée.

- Pas de ça avec moi, c'est ton tour. – Gabe n'allait pas la laisser s'en tirer comme ça.

- Que dire… Je suis née et j'ai grandi à Lawson. J'ai un frère et une sœur qui ont respectivement 13 et 17 ans… – Tout en parlant, Holly jouait avec une mèche de cheveux qu'elle enroulait et déroulait machinalement. Bon sang ! J'ai horreur de parler de moi ! – …Mes parents sont comme tous les parents de la terre, enfin, je suppose. J'ai toujours rêvé de travailler pour la télévision. Mais attention, derrière la caméra. C'est pour ça…

Vous brûlerez tous en enfer, tous ! ! !

- Quoi ? ! – Gabe s'arrêta net. Son cœur avait cessé de battre pendant une fraction de seconde.

- Je disais que c'est ce qui me plaisait dans les sciences de l'image. – Répondit Holly de plus en plus embarrassée. D'accord… j'ai l'air de l'intéresser… suis-je si ennuyeuse ?...

- Non, avant ça.

- Je ne te suis pas ?

- Je… – Un souffle chaud caressa la nuque du jeune étudiant. Il se retourna. Son regard se porta alors sur la large porte entre ouverte qui se tenait devant lui. – Elle mène où cette porte ?

- Au département d'Histoire Ancienne.

- Ca m'a l'air sombre là-dedans.

- C'est normal. Il y a eu un incendie pendant le mois d'août. L'aile est en rénovation.

- Un incendie ?

- Oui, un accident à ce qu'on dit. Je n'en sais pas plus. En tout cas, le directeur du département a été viré peu de temps après. A qui la faute ?

- Ouais… - Gabe fixait toujours la porte, l'air songeur. Il poussa les battants.

- Mais qu'est-ce que tu fais ? Gabe ? – Holly ne savait que penser. Pourquoi agissait-il aussi étrangement, tout d'un coup ? »

Gabriel n'écoutait plus ce que lui disait la jeune fille. Il avait une étrange impression. L'impression que quelque chose clochait. Mais quoi ? Il effleura de la main le mur de droite. Une bouffée de chaleur s'empara subitement de son corps. Il pouvait entendre le crépitement sourd des flammes et les sentir lui lécher le visage. Un cri terrifiant, à vous glacer le sang, s'en suivit.

Ahhhhhhhhhhh ! ! ! ! !

Puis, tout redevint normal. Gabe rejoignit Holly. Il voulait mettre de la distance entre lui et cet endroit le plus vite possible. Il lui attrapa le bras :

« - Allons nous en.

- Ca ne va pas ?

- Si si, très bien. J'ai juste une faim de loup. – Il pouvait lire dans le regard de la jeune fille comme dans un livre ouvert. Elle était inquiète, mais aussi soupçonneuse. – Ne fais pas cette tête-là. Je suis curieux, voilà tout. – Il essayait de paraître détaché, mais sa voix tremblait légèrement. – Et j'ai vraiment très faim.

- Si tu le dis. – Holly fit une petite moue, guère convaincue. »

Ils reprirent le chemin de la cafétéria d'un pas rapide.

Aidez-moi…

 Cette dernière phrase ébranla Gabriel. Il y avait tant de désespoir dans ces quelques mots, tant de détresse. Cependant, il continua de marcher comme si de rien n'était.

 

Appartement des Oswald

La nuit était tombée avec une telle rapidité qu'on aurait pu croire qu'il était déjà vingt heures. Pourtant, l'horloge n'en indiquait que dix huit. Collé à la baie vitrée, Morgan admirait la voûte céleste. Des étoiles à n'en plus finir, tellement d'étoiles et une lune qu'il n'avait jamais vue d'aussi près. Dire qu'il n'était qu'un grain de poussière à l'échelle de l'univers :

« - J'ai l'impression d'avoir déjà vu jouer cette scène quelque part.

- La vue est magnifique d'ici. – Il n'avait pas pris la peine de se retourner. Cette voix douce, chaleureuse, il la connaissait par cœur. Il sentit une main caresser le haut de son dos puis une tête se caler contre son épaule. – Bonsoir Mademoiselle Saint-John. – Il posa sa tête sur celle de sa bien-aimée.

- Bonsoir Monsieur Oswald. – Elle releva la tête et passa ses bras autour du cou de Morgan qui lui attrapa la taille. – Je ne t'ai pas beaucoup vu aujourd'hui. – Elle feignait un air triste.

- Je suis désolé ma chérie… Je t'assure que j'aurais préféré mille fois passer la journée avec toi, mais je suis allé voir pour du travail. – Son visage s'assombrit.

- Ca n'a pas été fructueux ? – Elle sentait bien que non.

- Pas du tout. Le conservateur du Musée de Lawson n'a pas besoin de personnel. Et, de toute façon, nous sommes bien trop qualifiés pour un petit musée de campagne ! – Une légère note d'amertume s'était glissée dans le timbre de sa voix.

- Ce n'est rien. On finira par trouver. Justement parce qu'on est qualifié.

- Vraiment ?

- J'en suis sûre. – Elle baisa les lèvres closes et légèrement crispées de son fiancé.

- Eh… – Les traits de son visage paraissaient plus détendus.

- Ben quoi ? Ca ne va pas mieux ?

- Si tu pouvais recommencer, je ne suis pas encore sûr…

- Mais avec plaisir… »

Eleanor réitéra son action à trois ou quatre reprises, puis les deux amants s'embrassèrent plus passionnément. Leurs langues s'entremêlaient inlassablement et ils ne pouvaient plus décoller leurs bouches l'une de l'autre. Leurs caresses se faisaient plus pressantes, ils sentaient le désir les submerger :

« - Et si on …– Parvint à articuler Morgan.

- Oui… C'est… … Bonne idée – Eleanor n'en pouvait plus. »

Le beau blond s'empara du poignet de sa compagne et l'emmena avec lui. C'est alors que la porte d'entrée s'ouvrit :

« - Morgan ! – Appela Gabriel.

- Et Merde… lâcha Morgan suffisamment bas pour ne pas que son frère l'entende. – Quoi ?

- Il faut que je te parle.

- Ca ne peut pas attendre ?

- C'est important.

- D'accord. – Il soupira. – Je suis désolé, vraiment désolé… – S'excusa-t-il auprès d'Eleanor.

- C'est bon – Répondit-elle calmement. – Ton frère à besoin de toi.

- Tu es fantastique. Je t'aime. »

Morgan l'embrassa une dernière fois et rejoignit son frère. Eleanor le regarda s'éloigner et baissa les yeux. Il fallait lui laisser du temps, oui, mais combien ?

 

« - Je t'écoute. – Morgan s'adressait à son frère, le coude posé sur le dessus du canapé.

- Ca a recommencé… La petite voix dans ma tête…

- Quelque chose à propos de la clé ?

- Non, ça n'avait rien à voir. L'autre voix elle était chaude, rassurante… Celle-ci… elle m'a glacé le sang.

- Qu'est-ce qu'elle disait ? – s'enquit Morgan, peu rassuré par les propos de Gabe.

- Qu'ils brûleraient tous en enfer.

- Qui ?

- Je n'en sais rien. Par contre, je sais d'où elle provenait. D'une aile en rénovation où il y a eu un incendie, soi-disant accidentel. Mais moi je pense qu'il était criminel.

- Et tu veux mon consentement pour mener ton enquête.

- Comment tu le sais ? – Gabriel était plus que surpris par la réponse de son aîné.

- Tu parles à ton frère là, pas à n'importe qui.

- Alors ?

- Tu ne peux pas ignorer cette voix, c'est un fait… – Il soupira. – Fais ce que tu as à faire. Mais promets moi que tu ne feras rien d'idiot, qu'au moindre danger, tu laisseras tomber. D'accord ? – Morgan regardait son cadet avec insistance.

- C'est promis.

- Bien. »

Il se leva et prit la direction de la cuisine :

« Pour ce soir en tout cas, tu ferais bien d'étudier. »

Gabe sourit à cette remarque, mais il n'en revenait toujours pas. Morgan lui faisait confiance. Il mettrait tout en œuvre pour ne pas le décevoir, ça il pouvait le jurer.

 

 

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