Chapitre 2

 

Institut Raven – Nouvelle Zélande, Ile Sud

Penché sur le plan de l'institut que venait de lui sortir le technicien en informatique, Abrahams étudiait, avec les généraux de son unité d'intervention, les diverses possibilités de forcer les portes de la salle où s'était enfermé Morgan Oswald. D'après ce qu'il avait pu constater, il était pratiquement impossible de le réaliser à moins de piloter le système. Dans ce cas, comment Oswald était-il parvenu à entrer ? Une seule réponse s'imposait. Il n'était pas seul. Une tierce personne, très probablement un ou une employé de l'institut, se trouvait avec lui. Et de celle-ci, il ne savait rien. C'était un électron libre sur lequel il ne pouvait exercer aucun contrôle, comparable à une épine dans son pied. Il n'aimait pas ça. Non, pas du tout. Il se tourna vers son subalterne qui pianotait sur le clavier de son ordinateur :

« - Shiller.

- Oui, Monsieur.

- Pouvez-vous, oui ou non, pirater le système ?

- Oui, Monsieur. Il suffit que je me raccorde à la matrice et…

- Chargez-vous en, maintenant !

- Oui… Oui…Tout de suite, Monsieur. »

Shiller s'empara de son ordinateur portable et le rangea dans une sacoche avant d'y ajouter câbles, pinces et autres outils. Quant à Abrahams, il enjoignit ses hommes de lui trouver un chalumeau. En dernier recours, ils pénétreraient dans cette maudite pièce en utilisant les bonnes vieilles méthodes. Evidemment, cela ne faciliterait pas le nettoyage de l'immeuble après intervention, mais il ne comptait pas sortir d'ici sans l'aîné des Oswald. Un homme vint alors se poster derrière lui et l'interpella :

« - Monsieur. Un appel pour vous. – Devant le manque de réaction de la part de son supérieur, il ajouta. – Monsieur Duval. – Abrahams se retourna aussitôt.

-  Je vous suis. »

Les deux hommes traversèrent donc le hall d'entrée et quittèrent le bâtiment. A l'extérieur, la nuit étoilée avait laissé place à un ciel chargé, d'épais nuages se livraient une bataille sans merci. Le temps était à l'orage, un orage menaçant. Le vent cinglant qui avait redoublé de puissance vint fouetter le visage d'Abrahams tandis qu'il descendait les marches de pierre afin de rejoindre les véhicules qui stationnaient en contrebas. Cependant, cela lui était bien égal. Il était bien plus préoccupé par ce appel de Duval. L'Assemblée n'avait pas apprécié le récent échec de l'opération de Glasgow et il se savait depuis dans leur collimateur. Chacune de ses actions étaient à présent suivies avec attention. Si il voulait intégrer leur rang, il devait faire preuve de minutie et de ruse, ne rien laisser au hasard, il ne le savait que trop bien. Son père avait été l'un des grands manitous de Pandora jusqu'à ce qu'il commette l'irréparable. Depuis la famille était tombée en disgrâce et lui, Tyler Abrahams, avait été obligé de commencer en bas de l'échelle, tel un moins que rien. Il avait haï son père pour ça et le lui avait fait bien payer. Duval était de son côté, il le savait, mais la voix d'un seul homme, aussi puissant pouvait-il être, n'avait aucun poids face à l'ensemble de la toute puissante Assemblée. Il s'installa à l'arrière de la berline noire dont on venait de lui ouvrir la portière et s'empara du téléphone :

« - Henri… Que me vaut l'honneur de cet appel ? – A l'autre bout de la ligne, un homme d'un âge certain, le cheveu blanc, une fine moustache ornant de belles lèvres, le port assurément noble, faisait face à une large fenêtre donnant sur un magnifique jardin aménagé à la française. Au son de la voix de son jeune protéger, il abandonna la contemplation de son domaine pour venir se caler confortablement dans le fauteuil de cuir sis près de la cheminée.

-  Oh ne jouez pas à ce jeu là avec moi Tyler. Vous et moi ne nous connaissons que trop bien. Ce serait déplacé que de me faire croire que cet appel vous enchante.

-  Venez-en au fait dans ce cas.

-  L'Assemblée s'est réunie ce matin. Je ne vous cache pas que nous commençons sérieusement à nous impatienter. C'est moi qui vous ai fortement recommandé pour cette mission, je vous le rappelle. Ne me faites pas passer pour un imbécile.

-  Vous ai-je jamais déçu ?

-  Il serait regrettable que le contraire n'arrive.

-  Soyez assuré que je vous ramènerai et les garçons et le parchemin d'Allilayah.

- Je n'en attends pas moins de vous.

-  Alors nous sommes d'accord. Si vous voulez m'excuser, j'ai une proie à capturer… »

Abrahams mit aussitôt fin à la conversation. Il n'avait que faire de l'assentiment d'Henri Duval. Il ne perdrait pas autant de temps si il n'était pas continuellement dérangé par tous ces appels inutiles. Enervé pas ces allusions, sous-entendues, relatives à son incompétence, il sortit du véhicule et regarda fixement l'étage où se cachait Morgan Oswald. Il ne fallait pas qu'il lui échappe. C'était hors de propos.

 

Université LaFayette – Lawson

En cette heure de grand afflux, les couloirs de l'Université grouillaient d'étudiants tous plus pressés les uns que les autres. Au milieu de cette effervescence comparable à l'activité d'une fourmilière, Holly et Ronan ne dérogeaient pas à la règle. Leur prochain cours débutait dans trois minutes et se déroulait à l'autre bout de l'établissement. Mieux valait ne pas en traîner en route. Alors qu'ils venaient de longer une série de casiers, l'attention de Holly se porta sur un groupe d'étudiantes qui gloussaient telles des pintades moyennes, du moins c'était ce qu'elles lui évoquaient avec leurs rires si niais. Mais ceci ne l'importait guère. Non, l'important était qu'elle l'avait reconnue, cette petite dinde de Meredith Brooks :

« - Je te propose de m'occuper du montage, tu es meilleure que moi pour fil… mer. – Ronan s'interrompit. Holly ne l'écoutait plus. – Holly ? Je te parle de notre projet là !

-  Hein ?… Euh… Excuses-moi, mais… J'ai une petite chose à régler. – Ronan suivit le regard de son amie.

-  Holly, non ! Ne fais rien que tu ne pourrais regretter…

-  Ne t'inquiètes surtout pas. Il n'y a rien dans ce que je m'apprête à faire que je puisse regretter. »

Sur ce, elle s'avança avec assurance vers l'objet de toute son attention et l'interpella :

« Meredith… »

A la prononciation de son nom, la demoiselle se retourna et n'eut le temps de comprendre quoi que ce soit à ce qui se produisit. Un poing rencontra violemment son nez et sous la puissance de l'impact elle s'étala de tout son long. Lorsqu'elle réalisa enfin ce qui venait de lui arriver, tous les regards convergeaient sur elle et son agresseur. Elle porta une main à son nez douloureux. Du sang. Cette salope lui avait cassé le nez. Elle leva la tête, les yeux pleins de mépris :

« - C'est quoi ton problème, Jude !

-  Moi ? Mais, je n'ai aucun problème. C'est toi qui en as un. Alors, à l'avenir, fais-moi plaisir… Si l'envie te reprenait de parler dans mon dos, abstiens-toi. Ca t'évitera de te retrouver dans ce genre de situation…

-  T'es complètement cinglée ma parole ? ! !

-  Et toi tu n'es qu'une andouille ! ! Tu ne devrais pas porter foie aux paroles de ton abruti de petit copain. Tu ne sais même pas le quart de ce qui s'est réellement passé ! »

Holly tourna les talons et rejoignit Ronan, ravie de l'effet que sa dernière remarque venait de produire sur Meredith. Une fois les deux amis partis, la rouquine qui se trouvait à la droite de Meredith s'enquit :

« - Ca va Meredith ? Attend, on va t'aider. – Ses camarades l'attrapèrent par les bras.

-  Foutez-moi la paix ! ! – Meugla celle-ci tout en se débattant. – Je peux encore me relever seule. – Elle se leva le plus dignement possible et fusilla du regard le troupeau d'étudiants qui ricanaient comme les imbéciles qu'ils étaient. – Vous voulez ma photo ou quoi ! ! »

Les rires cessèrent aussitôt et chacun se dispersa. Meredith bouillait. Cette garce allait payer. Personne ne s'attaquait à elle sans en subir les conséquences. Mais pour l'heure, elle devait soigner ce nez.

 

Institut Raven – Nouvelle Zélande, Ile Sud

Une vive lumière inonda la salle de conférence, puis disparut séance tenante. S'en suivit un grondement sourd, celui du tonnerre, à vous glacer l'échine. Morgan reporta son attention sur Kirsten et s'agenouilla à ses côtés :

« - C'est le plus mauvais plan de toute l'histoire de l'humanité…

-  Ca y est, j'ai terminé le branchement ! – S'exclama la brune en refermant le panneau où s'entrecroisaient de nombreux fils électriques aux couleurs variées. – Tu disais ?

-  Que c'est une mission suicide. – L'archéologue se redressa, accompagné de Kirsten. – Couper le courant nous handicapera tout autant qu'eux !

-  Sauf que je n'ai pas d'autres solutions à te proposer et que je connais ce bâtiment par cœur.

-  C'est étrange, mais ça ne me rassure pas du tout.

-  Oh… – La jeune femme poussa Morgan contre le mur et posa une main contre cette même paroi, faisant barrage avec son bras. Puis, elle approcha son visage de celui de son vis à vis. – Tu ne vas pas me dire qu'un grand garçon comme toi a peur du noir… – Morgan pouvait sentir le parfum de sa peau, à la fois sauvage et sucré. C'était si grisant, si enivrant.

-  … J'ai plus d'une corde à mon arc. Tu pourrais être surprise… - Kirsten esquissa un sourire et fit dos à son compagnon, le libérant ainsi de son emprise. Elle fit quelques pas et tourna la tête dans sa direction.

-  Je l'espère bien… – Morgan leva un sourcil en la fixant avec malice. – Bon, et si nous passion à la phase B de mon plan ? – Poursuivit-elle. »

D'un air entendu, tous deux retournèrent dans le local de contrôle en empruntant la passerelle qui séparait les deux parties de l'étage. La porte franchie, Kirsten se dirigea vers l'ordinateur central et se posta devant le tableau bord :

« C'est l'heure de vérité. »

Elle appuya sur la touche enter et toutes les lumières de l'Institut s'éteignirent alors.

 

Tyler Abrahams balaya les alentours du regard. Il n'aimait pas les surprises, surtout celles de ce genre :

« - Shiller… Vous n'avez rien à me dire…

-  Ce n'est pas moi, Monsieur. Je crois que… – Le jeune technicien avala sa salive. – Que quelqu'un nous a devancé…

-  Vous pouvez régler ça ?

-  Ca risque de prendre un peu plus de temps, mais… oui, Monsieur.

-  Alors ne perdez pas de temps à tergiverser. – L'homme à la peau foncée s'adressa à ses subalternes, via son transmetteur. – Ici Abrahams. Un petit malin a cru pouvoir nous duper en coupant le courant. Mais en faisant cela… Il vient de nous donner accès à toutes les salles de l'Institut, y compris celle où il se terre. Alors délogez-le moi de sa cachette. Il est probable qu'il ne soit pas seul. Dans ce cas, vous savez ce qu'il vous reste à faire… Terminé. »

 

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