Chapitre 2

 

Appartement des Oswald

Les rayons du soleil levant, qui filtraient à travers les rideaux de la chambre, effleurèrent le visage d'un Morgan endormi. Gêné par la lumière, celui-ci se retourna sur la droite et plaça un bras devant lui. Sa main tâta à deux ou trois reprises le matelas avant qu'il ne se décide à ouvrir les yeux. Là, l'archéologue fixa longuement la place restée vide depuis la veille au soir. Eleanor n'était pas rentrée. Il avait fait du mal au seul être qu'il n'aurait voulu blesser pour rien au monde. Se pouvait-il qu'il ait agi en égoïste comme le lui avait fait remarquer Garret ? De toute manière, il n'avait pas à donner d'explications. Ses raisons étaient évidentes et il n'avait rien à se reprocher. Alors, pourquoi se sentait-il aussi mal ? Oh et puis merde ! Qu'ils aillent au diable ! J'ai plus important à faire… Empêcher un nouveau naufrage.

 

Les doigts de Gabriel rebondissaient avec dextérité sur les touches du clavier de son ordinateur portable. Il attrapa le verre de jus d'orange qui trônait à ses côtés et en avala une gorgée. La page principale du « Louisianan Column » apparut alors à l'écran et il rechercha sur le site tous les articles concernant les naufrages de ce dernier mois dans le Golfe du Mexique. Pour chacun des cinq cas, les services d'enquêtes étaient arrivés à la même conclusion : ni erreur technique, ni erreur humaine. Tout indiquait qu'il s'agissait d'un simple accident. Et pourtant, ils n'avaient rien trouvé, dans les périmètres immédiats des naufrages, qui puissent expliquer ces « incidents ». La porte de la cuisine s'ouvrit soudain et Gabe porta son attention sur le nouvel arrivant :

« - Bonjour Fergus.

- Bonjour Monsieur Gabe. A peine debout et déjà en train d'étudier. Voilà qui fait plaisir.

- Euh… En fait, Morgan a eu une vision et je lui donne un coup de main.

- De quoi s'agit-il ?

- Vous avez entendu parler des naufrages dans la mer du Golfe ?

- Oui, comme tout le monde. Ca fait la Une aux infos. Il y aurait donc anguille sous roche ?

- Ca, vous pouvez le dire. Mais dîtes-moi… - Gabe regardait son majordome avec une étrange expression. – Vous étiez encore avec Patterson ? Qu'est-ce que vous manigancez tous les deux ?

- Nous parlons essentiellement de notre protection et de Pandora.

- J'aimerais en savoir plus sur eux.

- Vous le saurez en temps voulu.

- Je vous trouve bien énigmatique… - Gabe continuait de le fixer avec insistance.

- Et vous bien curieux… - Un sourire se dessina sur le visage de Fergus. – Je vous ai connu plus… discret, Monsieur Gabe.

- Ce temps là est révolu. Enfin… Je fais ce que je peux.

- J'en suis fort aise. Vous avez traversé tellement d'épreuves en si peu de temps.

- Merci Fergus. Vous êtes un père pour moi. »

Fergus inclina la tête comme à son habitude et se versa un verre de lait. Il espérait seulement que Pandora ne les retrouve pas tout de suite. Un peu de calme ne pouvait faire de mal à ses jeunes maîtres, surtout que tout était clair pour tout le monde à présent. Morgan entra à son tour dans la cuisine et salua son frère ainsi que Fergus. Garret n'est pas ici non plus… Moi qui comptait sur lui… Bon, arrête de penser à ça Morgan. L'enquête, concentres toi sur l'enquête. L'aîné de Oswald se tourna donc vers son cadet :

« - On retourne sur le port tout à l'heure. Tu n'as pas oublié ?

- Figures toi que pendant que Monsieur dormait, j'ai mené quelques petites recherches. Si tu veux mon avis, il y a quelque chose de paranormal dans toute cette affaire.

- C'est-à-dire ? – Demanda Morgan qui venait de s'asseoir sur la chaise d'à côté.

- Bateaux en parfait état, équipages irréprochables, pas de récifs à proximité des naufrages et pourtant… il y a bel et bien eu déchirure de la coque… à chaque fois.

- Ils peuvent très bien avoir percuté une baleine ou tout autre géant marin.

- Les cinq fois ? Curieuse coïncidence… - Morgan ne répondit pas. Il semblait plongé dans une profonde réflexion.

- Et s'il s'agissait de frappes stratégiques ?... Je veux dire, si une force quelconque cherchait à nous faire comprendre que la mer du Golfe du Mexique lui appartenait. Ca pourrait tout expliquer. – Il avait posé son regard sur Gabe qui le regardait lui aussi avec sérieux.

- Si tu veux mon avis ta force quelconque… Elle est monstrueuse ! Tu imagines la puissance qu'il faut pour déchirer la coque d'un navire ?!

- Pas nécessairement. – Intervint subitement Fergus. Les deux frères se tournèrent alors, dans un même élan, vers leur domestique. – Si un être humain est capable de percer la coque d'un bateau avec le matériel adéquat, une créature démoniaque de petite envergure peut très bien faire de même. Certains démons sont loin d'être stupides.

- Il faut en savoir plus. – Poursuivit Morgan qui se leva aussitôt. – On est parti Gabe.

- Je te suis. – Gabe abaissa l'écran de son ordinateur portable et se leva lui aussi.

- Je peux demander à Patterson et ses hommes de rechercher les démons marins susceptibles de correspondre à notre profil.

- Ils peuvent faire ça ? Interrogea Gabe stupéfait.

- Et bien plus encore.

- D'accord. Faites ça Fergus. Si ils trouvent quelque chose, prévenez nous. – Le valet s'inclina. – T'es prêt Gabe ?

- Comme jamais ! »

Les deux frères quittèrent la cuisine sur ces derniers mots. Fergus avala une gorgée de lait et se dirigea vers le réfrigérateur.

 

Port de Lawson

Un monte-charge s'empara de l'une des caisses qui reposaient auprès du cargo qui mouillait au dock n°5. Il entama un demi-tour et se dirigea vers l'entrepôt qui se trouvait quelques mètres en arrière, tandis que des ouvriers s'affairaient sur les quais. Certains transportaient des cagettes de fruits et autres vivres alimentaires qu'ils embarquaient à bord du cargo, d'autres effectuaient des réparations sur le navire et une poignée encore était penchée sur une sorte de plan qu'ils étudiaient avec soin. Les yeux rivés sur ce tableau de la vie quotidienne d'un port, une jeune femme brune, dont on ne pouvait voir que le dos, portant un pantalon et une veste en jean, les cheveux relevés, dévia son regard pour le reporter vers le large. Janna huma cet air marin qui lui faisait tant de bien. Sa maison était à portée de main. Il lui suffisait simplement de faire un pas de plus. Mais elle savait qu'elle n'était plus la bienvenue, ni ici, ni là-bas. Elle était persona non grata. Mais qu'est-ce je fais là, moi ? Ne fais pas ton idiote Janna ! Tu le sais très bien. Il faut les empêcher de continuer ce jeu de massacre. Et si je me trompais ? Alors, tant mieux ! Cesses de te torturer l'esprit, ça ne sert à rien… Janna pivota sur sa gauche et se rendit du côté des quais d'embarquement. C'est là qu'elle croisa ces deux types qui, à en juger leurs vêtements, ne travaillaient sûrement pas sur le port. A cette heure-ci, il n'y avait pourtant aucun départ de prévu à part celui des marins pêcheurs. Etrange… Elle rencontra le regard de celui qui avait les cheveux bruns alors qu'ils allaient tourner à l'angle du bâtiment central. Elle éprouva une sensation indescriptible qui dura une seconde à peine et poursuivit son chemin :

« Etrange… – Murmura-t-elle sans s'en rendre réellement compte. »

Elle s'arrêta finalement à proximité d'un panneau qui indiquait « Quai 6/A – 6/B » et sortit un morceau de papier de la poche gauche de son jean. Il s'agissait d'un article de presse sur le naufrage de la nuit dernière, qu'elle avait découpé dans le Lawson Press , après l'avoir trouvé sur un banc de la station de bus de la petite ville. Il indiquait que le bateau était au départ du quai 6/B. A supposer que ses soupçons étaient les bons, ils avaient dû commencer par un repérage, puis une fois la cible repérée, ils avaient dû l'étudier avec soin. Cela nécessitait donc qu'ils s'en approchent au plus près. Janna s'avança jusqu'au bout de l'embarcadère où elle s'agenouilla. Elle regarda la surface parfaitement lisse de l'eau du port et émit une grimace tant son odeur était désagréable. Quels sales pollueurs ! La mer vous offre tant… Vous n'en méritez pas le centième et encore ! Je note large… Janna ! Stop !... Oui, oui… Le naufrage, je sais . La brunette se pencha davantage afin de mieux examiner la paroi verdâtre de l'appontement bordé par la mer :

«  Je peux savoir ce que vous êtes en train de faire ? »

Janna se redressa d'un bond et tourna la tête en direction de l'homme qui venait de la solliciter. Il était grand, plutôt costaud, brun, et portait une chemise à carreaux, grande ouverte, par-dessus un débardeur blanc ainsi qu'une paire de gants professionnels. Janna se releva tout doucement, la mine embarrassée. Elle frotta légèrement l'arrière de sa tête avec l'une de ses mains tandis que l'autre s'était réfugiée dans la poche de son jean. Prise la main dans le sac. Bravo, t'es une championne ! On ne peut pas faire plus minable… La jeune femme esquissa un sourire forcé :

« - Euh… Et bien… En fait… Je… En fait, j'ai fait tomber ma bague à l'eau et j'espérais la récupérer avant qu'elle ne coule et… Ben, je crois que c'est trop tard. – Elle se força encore à sourire et fixait l'homme qui ne cessait de la toiser du regard, l'air impassible. Janna lâcha un léger soupir puis entreprit toute une série de mimiques avec sa bouche, tellement elle était stressée.

- C'est pas de chance.

- Non, comme vous dîtes. – Répondit-elle, soulagée par la fin de cet interminable silence.

- Sérieusement, qu'est-ce que vous faîtes là ? – Interrogea froidement l'homme. Janna sursauta légèrement.

- Sérieusement ? – Non, mais il m'énerve celui-là ! – Je suis journaliste. Vous devinez, bien sûr, pourquoi je suis là ?...

- Ouais, c'était pas difficile à deviner. Vous allez parler de moi dans votre article ? – Demanda-t-il soudainement très intéressé.

- Ca dépendra… de ce que vous m'apprendrez.

- Je sais tout un tas de chose, moi, Mademoiselle…

- Très bien. Que savez-vous, au juste ?

- Ben… - L'homme se pencha vers la jeune femme, en signe de confidence. – Un pote à moi, Declan qu'il s'appelle, c'est lui qui s'est occupé des vérifications du premier bateau qu'a coulé, la veille de son départ de Tempa. Ben, il m'a juré que quelqu'un l'épiait. Au début, c'était qu'une impression, jusqu'à ce qu'il voit une ombre disparaître dans l'eau du port. Il m'a dit que ça avait, tenez vous bien… une forme humaine.

- Donc… Vous pensez à la théorie d'un sabotage ?

- Ben, c'est ça le hic. – Fit-il en baissant les épaules. – Après ça, il était pas bien rassuré. Alors, il a fait une deuxième vérification et… tout était ok. Je lui ai dit qu'il avait sûrement encore trop bu. Et lui a continué de me dire qu'il avait pas halluciné. C'est pour ça qu'en vous voyant là, j'ai pensé que, peut-être, il avait raison. Pis je me suis dit que je préférais le raconter à vous, plutôt qu'aux deux autres types. Des flics, à n'en pas douter, ils arrêtent pas de poser des questions et encore des questions… »

Janna n'écoutait déjà plus le bonhomme, mille fois plus bavard qu'elle-même, ce qui n'était vraiment pas croyable, et pourtant. Elle avait décroché à partir du moment où il avait évoqué les « deux autres types ». Elle les avait presque oublié alors qu'elle avait, cependant, ressentit une impression singulière en les croisant. Des flics… Manquait plus que ça ! Je les ai en horreur ! C'est vrai, ils sont là et ils fouinent partout et qu'ils t'interrogent et qu'ils te considèrent toujours comme une suspecte, alors que tu n'es coupable de rien ! Beurk !

 

Morgan et Gabriel abandonnèrent l'homme avec qui ils étaient en train de discuter et quittèrent l'entrepôt. Ils se sentaient déconfits. En fait, ils n'avaient rien appris qui aurait pu les mettre sur une piste. Ils se laissèrent choir sur la pile de cagettes accolées aux murs de l'entrepôt et restèrent simplement assis là, désappointés, sans prononcer le moindre mot, jusqu'à ce que Gabe rompe leur mutisme :

« - Bon d'accord… On a interrogé tout le personnel qui bossait sur ce bon dieu de quai et on n'a pas fait mouche… Mais on ne va tout de même pas rester là à broyer du noir ! – Son frère ne répondit rien. – Hhhhh… Dis moi quel est le problème ?

- Je n'ai pas de problème. – Répondit mécaniquement Morgan, le regard perdu dans le vide.

- Non, bien sûr… à part Eleanor qui a découché.

- Elle a besoin de réfléchir.

- Si ça peut t'aider, elle va bien.

- Comment tu peux savoir ça ? – Demanda Morgan en se tournant vers son frère.

- J'ai… comme qui dirait… oublié de te donner le message.

- Gabe ?...

- Avant de partir ce matin, Garret m'a demandé de te dire que les choses étaient en bonne voie et que tu comprendrais.

- Je vois qu'on peut compter sur toi.

- Désolé, mais je m'attachais à l'autre problème qui te préoccupait.

- C'est moi qui suis désolé… Tu essayais de m'expliquer quelque chose avant que nous changions de sujet ?

- Oui. Puisque que nous n'avons rien obtenu avec les hommes, je me disais qu'on pouvait tenter notre chance avec les lieux…

- Le quai. »

 

Une légère houle faisait onduler la surface de l'eau de mer, emprisonnée entre les quatre murs du port. Quelques algues marines venues du large tanguaient ici et là, signe évident qu'un orage sévissait en haute mer. Face à l'horizon, les yeux clos, dressé au centre de la voie 6/B, Morgan respirait calmement. Il ne pensait à rien, sinon à ce qui s'était produit ici, la veille au soir. Il ouvrit soudainement les yeux et tourna la tête sur sa gauche. Il vit d'abord ses pieds, puis survola l'asphalte jusqu'au bout du quai. Là, il plongea en piquée le long de la paroi humide incrustée de micro-organismes marins jusqu'à atteindre le niveau de l'eau. Une petite marque rouge dépassait à cet endroit précis. Elle se mit à scintiller de plus en plus fort et la nuit tomba brusquement. Morgan avait la nausée. C'était comme si on lui avait attaché le pied avec une corde et qu'un cheval lancé au galop le traînait à sa suite. Il vit alors une main grisâtre et translucide, enduite d'une substance rouge non identifiable, effacer progressivement la marque, comme si le temps marchait à reculons, puis elle fut tirée vers les profondeurs. Il s'avança au bout de la jetée et regarda en contrebas. Le remous des vagues dissimulait en partie les restes d'une marque à moitié effacée, la marque de sa vision :

« - Tu avais raison. – Dit-il à l'encontre de Gabe sans quitter des yeux la marque rouge. – Il y a du paranormal là-dessous. J'ai vu une créature. Non, sa main. Elle était palmée et… translucide… Elle a dessiné… Viens voir par toi-même. – Il s'était tourné vers son frère qui vint aussitôt à sa rencontre. Morgan lui indiqua la marque du doigt.

- Ca conforte ton hypothèse selon laquelle une puissance quelconque aurait élaboré un plan.

- Sauf que maintenant on sait d'où vient la menace…

- Et si je… je touchais cette marque.

- Tu peux… Enfin, ça marche?

- Il n'y a qu'une façon de la savoir. »

Gabe s'agenouilla, posa une main sur le rebord du quai et tendit l'autre en direction de la marque rouge. Il effleura ses contours du bout des doigts et sentit la haine l'envahir, une haine viscérale. Il n'était plus lui-même. Il était la créature. C'était effrayant, pénétrant, intense. D'autant plus que cette haine lui réchauffait le cœur. Il éprouvait du plaisir. Les êtres humains étaient une plaie, une plaie pullulante. Ils se répandaient, encore et encore. Comme la terre, ils imaginaient que la mer leur appartenait. Mais la mer était leur territoire, à eux. A cause de la guerre, ils étaient restés inactifs trop longtemps et le Triangle des Bermudes n'était plus craint par ces parasites d'humains. Mais maintenant, ils se rappelaient à eux, ils étaient de retours. Les syrens étaient de retour.

Demain… Demain sera l'apothéose… Tous mourront… 3000… Lawson

Gabe retira ses doigts. Tout son être tremblait tant les émotions qu'il avait lui-même ressenties étaient extrêmes. Il en était, d'ailleurs, toujours la proie. Morgan l'aida à se relever :

« - Ca va ? Demanda-t-il, très inquiet. – Tu es vraiment blême…

-… Je… Ca va passer… - Gabe regarda son frère. – Quelle que soit cette créature, elle haie les hommes, elle nous haie tous autant que nous sommes ! – Il ferma un instant les yeux. – Elle va frapper ici, aujourd'hui. »

 

Centre ville

Garret avançait d'un pas hésitant dans les rues de la ville. Il tenait à la main une feuille de papier sur laquelle il ne cessait de jeter des coups d'œil soupçonneux. Pourquoi Eleanor ne l'avait-t-elle pas attendu ? Pourquoi lui donnait-elle rendez-vous dans le coin le plus mal famé de Lawson ? Il fallait dire qu'il n'en gardait pas un bon souvenir. La dernière fois qu'il s'était aventuré là, on l'avait pourchassé puis tabassé. D'ailleurs, le joli hématome qui auréolait son torse était là pour le lui rappeler. La moindre tape dans le dos, le moindre geste brusque, et la douleur se réveillait, lancinante. Il regarda une nouvelle fois le message d'Eleanor et traversa la chaussée pour s'engager dans le dédale de ruelles des bas quartiers. Quelques vagabonds s'étaient regroupés sous un grand portique et s'efforçaient de se construire de petits nids douillets avec des boites en cartons, de vieux coussins et autres cochonneries qu'ils avaient dû trouver en faisant les poubelles, et ce, à quelques mètres de deux petites crapules qui cherchaient à revendre leur dope à une gamine qui devait avoir très vraisemblablement fugué, et qui n'avait pas plus de 12 ans. Petits salopards ! Garret changea de trottoir et se dirigea, comme possédé, vers les deux détritus qui osaient revendre leur merde à une pauvre gamine déboussolée :

« - Hé ! Vous voulez que je vous aide ! – Les deux délinquants, qui devaient avoir entre 16 et 18 ans, sursautèrent.

- On fait rien de mal ! – Répondit de façon agressive le plus âgé des deux.

- Non, mais vous vous foutez de moi ! Vous croyez que je n'ai pas vu le petit sachet que ton pote s'est empressé de cacher dans son dos ?!

- Wo ! Mais pour qui te prends fils de pute ! – Poursuivit le plus vieux.

- Pour celui qui va vous foutre la raclée que vous méritez si vous ne déguerpissez pas sur le champ !!

- Tu crois que tu me fais peur ! – L'aîné sortit aussitôt un couteau de sa poche et le plus jeune recula en toisant Garret du regard.

- Vous le prenez comme ça alors ?... Très bien. – Garret passa sa main droite dans le dos et en extirpa aussitôt un révolver. Les deux garçons se jetèrent un regard effrayé et filèrent sans demander leur compte. Heureusement que j'ai eu l'idée de ne pas venir les mains vides … Il se tourna vers la fillette qui le regardait de ses yeux incrédules. – Ces deux-là ne t'ennuieront plus. – Il lui sourit. Pour toute réponse, la petite lui donna soudainement un grand coup de pied dans la cheville, puis lui lança un regard noir.

- Pov con !! »

Sur ce, elle s'échappa avant que Garret n'ait eu le temps de l'attraper. Ce qui venait de se produire était totalement ahurissant. Il avait du mal à comprendre. Il venait de l'empêcher de commettre une terrible erreur et pour tout remerciement elle venait de l'insulter. Il regarda en direction de l'angle où elle avait disparu et baissa les yeux au bout de quelques secondes. Qu'avait-il espéré ? Cette petite savait très bien ce qu'elle faisait. Elle devait déjà se droguer et depuis longtemps, vu les yeux injectés de sang qui l'avaient littéralement foudroyés. En ce moment même, elle était peut-être en train de sa procurer sa dose vers les autres petits revendeurs qui pullulaient dans le coin. Cet endroit le révoltait. Il ne s'agissait que d'une enfant, une petite qui normalement aurait du se trouver avec d'autres gamins de son âge, à s'amuser, à rire, à mener une vie insouciante. Il avait envie de vomir.

 

Argeles Motel

Des coupures de journaux sur les cinq naufrages de ce dernier mois en mer du Golfe étaient étalés sur un lit une personne des plus ordinaires. Assise en tailleur, son menton reposant sur l'oreiller qu'elle tenait fermement entre ses bras, Janna étudiait avec attention chacun des articles qu'elle avait soigneusement réparti. Si elle n'avait pas fait d'erreur, elle était en mesure de déterminer la prochaine cible des syrens. Après tout, elle était des leurs et connaissait leur modus operandi par cœur. Ils avaient commencé par s'attaquer à la côte ouest du Golfe, puis à la côte est, pour finir par se positionner au centre. A chaque nouvelle frappe les pertes humaines étaient plus conséquentes. Un petit bateau de pêche, une vedette remplie de touristes, un chalut, un cargo, un paquebot… Ils vont porter leur dernier coup ici, à Lawson, et ça va frapper fort, très fort… Ils ont besoin de faire plus de victimes… Réfléchis Janna, quels navires embarquent le plus de voyageurs ?... Les paquebots. Oui, mais lesquels ?... … … Mon dieu !! Janna quitta son lit d'un bond et se jeta sur la petite table qui était accolée à sa porte de chambre. Elle attrapa le gros livre qui s'y trouvait pour en retirer le prospectus qui lui servait de marque-page. Sur le document, qu'elle avait récupéré le matin même alors qu'elle était au port, figurait la photo d'un gigantesque navire de croisière qui avait pour légende : Le Voyager of The Sea passe par Lawson. Pour de plus amples informations voire page 7-8. Janna se reporta aussitôt aux pages citées et s'intéressa plus particulièrement à la grille horaire de la page 8. Le plus grand navire de croisière jamais construit devait faire escale à Lawson le soir même. Ce palais flottant pouvait accueillir à son bord plus de 3000 passagers. Quelle horreur !!! Je ne pourrai jamais empêcher ça ! Pas toute seule ! Ca va être un véritable massacre ! Janna, dans quoi t'es-tu encore fourrée… La jeune femme fixait le mur en face d'elle, le regard vide. Elle se sentait si ridicule d'avoir cru qu'elle pouvait empêcher les siens de commettre ces nouveaux crimes. Elle était réellement en dessous de tout, aussi imbue de sa personne que les humains pouvaient l'être. Seulement, il fallait faire quelque chose, et il n'y avait qu'elle qui savait ce qui se tramait. Elle n'avait pas le choix.

 

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