Chapitre 3

 

Cité de style inca – Endroit inconnu

Ses longs cheveux noirs balayés par le vent qui soufflait avec abondance, la femme mystérieuse s'arrêta devant une imposante porte scintillant de mille éclats. Le métal dans lequel elle avait été forgée reflétait en effet, tel un miroir, les couleurs chatoyantes des rayons dardés par les trois soleils qui étincelaient dans le ciel. La belle brune contempla un instant les magnifiques murs de granite rose entourant sa cité, puis emprunta le petit portique qui juxtaposait l'entrée principale. La ville, d'une beauté déconcertante, semblait s'étendre sur des milliers et des milliers de lieues. Les rues étaient pavées avec soin et bordées de somptueux massifs de fleurs aux tons divers et variés qu'une infinité de petits canaux, sillonnant la cité, irriguait. La jeune femme traversa l'allée centrale, saluant d'un signe de la tête les badauds qu'elle rencontrait, pour finalement arriver devant un temple ressemblant à s'y méprendre aux temples des anciens incas. Elle gravit les quelques centaines de marches qui menaient à l'entrée du sanctuaire et pénétra dans l'enceinte de ce lieu sacré. Au centre de la salle, se dressait le buste de la statue du dieu Poséidon, érigée voilà des millions d'années par les habitants de la cité, et dont les pieds reposaient plusieurs mètres en contrebas. La femme mystérieuse se dirigea vers les escaliers qui contournaient la statue sur toute sa longueur et descendit jusqu'à la salle du conseil. Là, elle rejoignit un homme aux cheveux blancs qui lui tournait le dos :

« - Père ? – L'homme se retourna, laissant apparaître un visage, qui malgré le poids de l'âge, inspirait le respect. Ses traits, à la fois sévères et doux, dégageaient un charisme que personne sur cette terre n'aurait pu contester.

- Maeva…Tu la ressens toi aussi, n'est-ce pas ?

- Elle se rapproche… Plus vite que nous l'avions estimée… Sa puissance est telle... – Le jeune femme baissa le regard. – Après toutes ces années à espérer que leurs pouvoirs grandissent suffisamment pour que je puisse enfin les contacter… Il m'est chaque jour plus difficile de maintenir le lien. Je ne veux pas perdre mes fils, Père, pas une nouvelle fois. – Le vieil homme prit le visage de sa fille entre ses mains.

- Tu ne les perdras pas. Ce lien qui t'unit à tes fils, il n'y a rien ni personne qui puisse le rompre, pas même les dieux. Il ne tient qu'à toi de le renforcer. Mais il te faut faire vite, l'heure approche… »

Maeva inclina légèrement la tête et repartit en direction des escaliers sous le regard bienveillant de son père. Une fois sa fille disparue, il se dirigea vers une double porte sur laquelle étaient gravés des symboles atlantes.

 

Université LaFayette – Dpt. Histoire Ancienne – Lawson

Holly apparut à l'angle du couloir qui menait au bureau du nouveau directeur du département et se dirigea jusqu'à sa porte. Arrivée devant celle-ci, elle leva la tête et lut le nom qui était inscrit sur la plaque : Morgan Oswald. Puis, elle frappa à la porte avant d'entrer. Tirés de leur travail par la jeune étudiante, Morgan, Garret et Eleanor posèrent leurs regards inquisiteurs sur l'intruse qui resta interdite devant cet accueil pour le moins surprenant. Morgan se tourna vers ses amis, amusé par sa réaction, puis reporta son attention sur la jeune fille, le sourire aux lèvres :

« - Tu voulais quelque chose, Holly ?

- Je, euh... – Parvint-elle à articuler. – Désolée, je reprends tout et on recommence… Salut ! – Elle fit un petit signe de la main aux trois archéologues. Ils opinèrent de la tête. – Je ne vous dérange pas j'espère ?

- Pas de souci. – Répondit Morgan. – On t'écoute.

- Est-ce que tout va bien avec Gabe ?

- Pourquoi, tu ne l'as pas vu ?

- Et bien, non.

- Comment ça ?!

- Il était censé déjeuner avec moi ce midi, mais il n'est pas venu. Et d'après l'un de ses camarades de classe, ils ne l'ont pas vu de la matinée, pas plus qu'à leur première heure de cours, cet après-midi.

- C'est bizarre, je l'ai pourtant vu partir de bonne heure ce matin. – Intervint Garret.

- Je vais essayer de l'appeler sur son portable. – Fit Morgan en attrapant le téléphone. Il composa le numéro de son petit frère et attendit la première sonnerie. Au bout de la onzième, il raccrocha et regarda ses amis avec appréhension. – Je n'aime pas ça… »

Les quatre jeunes gens s'échangèrent des śillades en coin. Tout ceci ne présageait rien de bon.

 

Bayou – Extérieur Lawson

Gabe s'écrasa sur le dos avec une extrême violence. Son visage était couvert de multiples hématomes et coupures, et du sang s'écoulait à grands flots de son arcade sourcilière. Il prit appuie sur ses mains pour tenter de se relever, mais dû rapidement les placer devant sa tête en croisant les bras afin de bloquer la jambe qui s'abattait sur lui. Il repoussa du mieux qu'il pouvait son assaillant et retomba sur ses fesses. Epuisé par cette dernière action, il recula en se traînant sur le sol. Les zombis se rapprochaient dangereusement, et il n'avait plus la force de lutter contre le vide qui s'était emparé de son être. Il se laissa choir à même le sol, puis ferma les yeux. Il sentit alors quelqu'un le soulever et le placer sur son épaule. Une ou deux minutes passèrent, il ne savait plus, quand soudain il sentit un liquide froid et boueux lui lécher les pieds et les mains. Il parvint à ouvrir un śil et constata avec effroi que lui et le mort vivant qui le transportait s'enfonçaient de plus en plus dans l'eau marécageuse du bayou pour s'y laisser engloutir :

« Non… »

 

Cité d'Atlantis – Atlantide

Maeva tressait ses longs cheveux d'ébène tout en se regardant dans le miroir qui lui faisait face. Soudain, l'image de son fils et le goût de la vase s'imposèrent à elle :

« Non… - Murmura-t-elle de la même manière que son fils. »

Elle ferma ses paupières et canalisa tout son être sur le jeune garçon. Un symbole atlante brillant d'un rouge incandescent lui apparut alors, ainsi que les yeux laiteux d'une sorcière vaudou. Elle rouvrit les yeux, une lumière blanche d'une grande pureté s'y intensifiait :

« Oh, non… Tu ne l'auras pas… - Souffla-t-elle avec froideur. »

 

Librairie Samedi – Lawson

Willemmina ouvrit à l'aide d'un coupe papier le carton qui reposait à ses genoux, en extirpa un livre volumineux et s'en retourna auprès de son client, oubliant, comme à son habitude, d'éteindre la lumière de la remise. Celle-ci luisait à travers les commissures de la porte du fond et l'on pouvait aisément l'apercevoir depuis les premières marches des escaliers qui menaient au sous-sol. S'en suivait un long couloir étroit qui débouchait sur un espace concave rempli de veilles caisses et de vieux barils. Là, une petite porte verrouillé par un cadenas et doté d'une lucarne à barreaux donnait accès à une galerie exigüe et rocailleuse où une lueur vacillante projetait des ombres sur la paroi du fond. Assise à genoux sur un petit coussin devant un autel entouré de bougies, la gérante de la librairie, Chandra Dusquênes, tenait dans sa main gauche une petite poupée sur laquelle étaient plantées cinq aiguilles. De sa main droite, elle faisait tourner celle qui se trouvait au niveau de la tête et récitait une litanie presque inaudible. Allongé au centre du cercle, Gabe fut soudainement prit de convulsions avant de retomber mollement inerte. Une marque rouge se dessina sur son front, puis s'estompa. La sorcière leva ses yeux dépourvus d'iris sur le garçon. Ils reprirent leur couleur normale :

« Tu es à moi. »

 

Université LaFayette – Dpt. Histoire Ancienne

« Comment ça vous ne pouvez rien faire ?!! – Hurla Morgan dans le combiné de son téléphone – … … Que je me calme !! Mais vous vous fichez de moi ! Mon frère est introuvable depuis ce matin et vous ! Vous me dîtes qu'il faut attendre 24 heures avant qu'une disparition soit considérée comme telle !!!... … … … Mais ça, je ne veux pas le savoir ! Vous êtes la police, bon sang ! Je ne suis pas en train de vous parler d'un gamin en pleine crise d'adolescence, mais d'un étudiant responsable qui n'a pas l'habitude d'aller faire un tour dans la nature, comme ça, pour le plaisir, et sans m'en avoir averti avant !!... … … … … … … Alors, c'est tout ?! – Morgan secoua la tête, il était sidéré. - … Je veux parler à un responsable. … … … … … … … Oui, suis-je bête ? C'est évident, ils sont tous bien trop occupé. »

Morgan raccrocha au nez et à la barbe de l'officier. Il était hors de question qu'il remercie un tel incompétent. Il se tourna vers Fergus qui se trouvait debout près de la fenêtre, les yeux fixant l'horizon :

« - Ils ne veulent rien savoir. Des nouvelles d'Eleanor et Garret ? – Fergus reporta son attention sur son jeune maître.

- Ils sont sur le chemin de retour. Mais, pas de Monsieur Gabe. – Morgan expira.

- Je ne comprends pas. “Monsieur” acquiert de l'assurance et ça y est, il décide de n'en faire qu'à sa tête ?

- Il n'est pas ce genre de personne à prendre des risques inutiles.

- Alors où est-il, Fergus ?

- Je l'ignore… Mais il ne faut pas baisser les bras. Il est là, quelque part…. Et nous le trouverons. – Termina-t-il avec assurance. Morgan s'approcha du vieil homme et posa une main sur son épaule.

- Merci, Fergus. »

Le domestique posa à son tour sa main sur celle de l'aîné des Oswald et inclina légèrement la tête.

 

Bureau de la Direction

Eillen Sullych, vêtue d'un costume beige de grande marque, donnait des instructions à sa secrétaire sous le regard attentif de Holly. La Doyenne signa le document que lui remit son assistante, se dirigea vers la jeune fille et l'invita à la suivre dans son bureau d'un mouvement de la main. Une fois à l'intérieur, elle s'approcha de sa table de service, puis se retourna vers Holly qui était restée plantée devant la porte :

« - J'ai averti la sécurité de l'établissement. Si Monsieur Oswald avait été là, ils l'auraient trouvé.

- Et en ce qui concerne les professeurs ?

- Aucun d'entre eux ne l'ont vu de la journée. Idem pour le personnel d'entretien et le personnel infirmier.

- Alors, il n'aurait pas du tout mis les pieds à l'Université de la journée ?

- Selon toute évidence… J'aurais aimé pouvoir me rendre plus utile, Mademoiselle Jude, mais… il n'y a rien que je puisse faire… - Elle baissa la tête, navrée. – J'espère que le Docteur Oswald aura plus de chance avec les services de police.

- Oui, moi aussi… - Holly se prépara à sortir. – Merci, Mademoiselle Sullych. »

Puis, elle quitta le bureau de la Doyenne qui se dirigea vers la fenêtre de son officine, les mains croisées derrière son dos. De là où elle était, elle surplombait la cours principale et avait une large vue d'ensemble du campus. Après cette histoire avec le professeur Sherwood, il y avait maintenant la disparition de cet étudiant. Dirigeait-elle si mal l'établissement dont elle était en charge ? Cette fois-ci, c'était la vie d'un jeune homme qui était en jeu. Son regard se perdit dans le vide.

 

Dpt. Histoire Ancienne

Le soleil se couchait sur la ville de Lawson. Morgan le regarda un instant disparaître derrière l'horizon, puis reprit ses mouvements de va et vient d'un bout à l'autre de la pièce. Accolé contre le mur séparant le bureau de jeune homme de celui de Garret et Eleanor, Fergus l'observait d'un śil imperturbable :

« - Si je puis me permettre, Monsieur ? – Le jeune homme s'arrêta. – Vous devriez vous asseoir et vous détendre un peu.

- Je suis bien trop stressé pour ça.

- Peut-être… Mais, ça ne change rien à la situation.

- Comment faîtes-vous ?

- Mais je ne fais pas… Je suis aussi angoissé que vous l'êtes.

- A d'autres, Fergus.

- Je vous assure. Seulement, il n'y a rien que nous puissions faire, à part attendre, espérer un signe... »

A ce mot, Morgan écarquilla les yeux. Là, juste de l'autre côté de la porte, dans le couloir, la femme mystérieuse lui faisait face. Son regard azur semblait l'implorer de lui venir en aide. Une fois de plus, le jeune archéologue ne put se détourner d'elle. Il voulait voir ce qu'elle voyait avec une telle intensité, qu'il fut happé par une sorte de tourbillon. Défilèrent alors, dans une ronde infernale : un symbole atlante de couleur rouge vif, le visage de cette sorcière qu'il avait combattu quelques semaines auparavant, l'enseigne de la Librairie Samedi , un sous-sol, une porte cadenassée et l'autel où reposait son frère. Totalement abasourdi par ce flot d'images qui passaient et repassaient devant lui, Morgan se sentit défaillir. Quelqu'un le retint par la taille et il écarquilla une nouvelle fois les yeux. Fergus lui parlait :

« - Morgan ? Est-ce que tout va bien ? – Le jeune homme blond remua les lèvres.

- Fer… gus… Je… - Il se redressa d'un coup, émergeant subitement du brouillard. – Je sais où il est ! Passez-moi le portable ! »

Fergus obtempéra aussitôt, bien qu'il n'avait pas vraiment suivi ce qui venait de se produire.

 

Chapitre 4 >>> >>>