Chapitre 5

Librairie Samedi

Eleanor et Fergus étaient plaqués contre la porte du petit débarras, dont le cadenas se trouvait quelques mètres plus loin sur le sol, et qu'ils ne pouvaient aller récupérer sans que Gabe ne parvienne à défoncer la dite porte. Sa force décuplée depuis sa métamorphose, le cadet des Oswald la martelait en effet tellement fort qu'il la faisait sauter sur ses gonds. La belle égyptologue tendit la jambe afin d'essayer de ramener le verrou jusqu'à elle au moment même où Gabe lança une nouvelle offensive. La porte céda et tomba sur le pauvre Fergus qui n'eut pas le temps de s'éloigner. Propulsée vers l'avant, Eleanor ramassa la planche de bois qui reposait devant elle et se releva aussi vite qu'elle le pouvait pour faire face à Gabe qui émettait des sons étranges :

« Je te préviens, Gabe… Ne t'approches pas… Ou je te jure que je n'hésiterai pas. – Le menaça-t-elle en serrant un peu plus fort la planche entre ses mains. »

Cela n'intimida pas le jeune homme qui tendit ses bras pour la saisir. Eleanor frappa alors le garçon de toutes ses forces, tant et si bien que la planche se fendit en deux sur un Gabe qui ne sourcilla pas d'un iota :

« Mon dieu… Mais qu'est-ce qu'elle t'a fait ? – Murmura Eleanor sous le choc. »

L'étudiant en profita pour l'attraper par la gorge et resserra petit à petit son étreinte. Eleanor s'agrippa à ses poignets afin de le contraindre à la lâcher, mais elle ne faisait pas le poids, elle en était même très loin. Incapable de respirer, elle perdit connaissance à l'instant même ou Gabe reçut l'un des barreaux de la porte sur la tête. Le garçon se retourna. Fergus se tenait devant lui, une barre de métal dans chacune de ses mains. Il se mit en position de combat :

« Vous m'en voyez navré, Monsieur Gabe. Mais vous ne me laissez plus le choix. »

Un sourire se dessina sur les lèvres du garçon, comme si il venait de comprendre ce que venait de lui dire son domestique. Il se mit également en position de combat. Fergus sembla surpris. Il n'avait aucune réaction jusqu'ici… Et là on dirait… Est-ce seulement possible ? Il donna le premier coup en abattant l'une des barres sur son jeune maître qui plaça un bras devant lui pour parer l'attaque. Le domestique coinça alors son bras avec la deuxième barre et les deux hommes tentèrent de prendre le dessus l'un sur l'autre jusqu'à ce que Gabe parvienne à se dégager d'un mouvement vers le haut. Fergus effectua aussitôt un demi-tour et posa un genou au sol avant de frapper le jeune homme dans l'estomac avec son arme, puis il pivota légèrement sur sa gauche pour lui asséner un second coup à la figure. Gabe se plia en deux et recula de quelques pas sous le second impact.

 

 

Un vortex s'ouvrit au niveau de l'autel où avait reposé des heures durant Gabriel. Morgan en surgit soudainement et remarqua le corps qui était affalé près du mur :

« Garret ! »

Il se précipita vers son ami et s'accroupit à ses côtés :

« - Garret…

- Mmmmm… - Le jeune homme ouvrit les yeux et se redressa en se massant le crâne. – Ohhhhh… Qu'est-ce qui s'est passé ?

- C'est à toi de me le dire.

- Gabe, il… il m'a balancé contre le mur !

- Il a été zombifié. Je sais comment le tirer de là.

- Et tu as découvert ça comment ?

- Sans importance. Aides-moi plutôt à trouver une petite poupée en paille.

- Hein ?

- Je t'expliquerai, mais pour le moment il faut que tu m'aides.

- Ok. »

Les deux amis se lancèrent alors dans une inspection minutieuse de l'endroit.

 

 

Un poing se glissa entre les deux barres de fer que Fergus avait croisé devant lui. Le vieil homme l'évita de justesse en baissant la tête sur le côté. Loin de s'avouer vaincu, Gabe lui envoya une série de directs du droit qu'il esquiva avec une habilité déconcertante, mais il ne s'attendit pas au coup de coude que son jeune maître donna avec le bras gauche. Frappé juste au-dessous de l'oreille, le domestique fut étourdi pendant un instant et Gabe en profita pour le déséquilibrer avec un croche-pied tournant. Fergus chuta.

 

 

Garret, une lanterne à la main, parcourait le contenu de l'étagère qui faisait l'angle du fond. Il n'y avait pas la moindre trace de cette fichue poupée qui se faisait désirer. Il se tourna vers son ami :

« - Y'a rien ici.

- Elle devrait être là… Elle l'est, forcément ! – Lui répondit Morgan qui balayait les objets qui étaient posés près de l'autel avec les mains.

- Ouais, c'est évident… - Se répéta pour lui-même l'anthropologue, guère convaincu. Il baissa le regard et remarqua que quelque chose dépassait de derrière l'étagère. Il s'agenouilla et approcha la lanterne de l'objet. Il s'agissait de la tête d'une poupée, flanquée d'une longue aiguille. – D'accord, autant pour moi, je ne suis qu'un idiot et tu avais raison.

- Tu l'as ! – Morgan accourut aussitôt vers son ami qui la lui remit.

- Vaudou… je comprends mieux. – Lui dit-il en se relevant. »

Morgan posa sa lanterne sur l'étagère, ouvrit la petite lucarne et mit le feu à la poupée qui commença à se consumer sous le regard du jeune homme.

 

 

Face à face, Gabe et Fergus se tournaient autours, épiant chacun les moindres mouvement de l'autre. Le vieil homme arborait un joli hématome sur la pommette droite et il avait une coupure au niveau de l'arcade sourcilière. Gabe passa soudainement à l'offensive. Il enchaîna une série de coups de pieds avec une telle vélocité que Fergus ne put rien faire d'autre que reculer jusqu'à ce qu'il se retrouve le dos au mur. Alors que le pied de son jeune maître s'apprêtait à s'abattre sur lui, le garçon s'immobilisa. Ses yeux reprirent leur éclat naturel et il s'écroula sur le sol. Fergus expira fortement. Il l'avait échappé belle. Puis, il se laisser glisser le long du mur, épuisé. Ce n'était plus de son âge.

 

 

Des voitures de police et une ambulance stationnaient devant l'entrée de la Librairie Samedi. Deux agents s'entretenaient avec la pauvre Willemmina qui était sous le choc d'apprendre que sa patronne était en réalité une espèce de cinglée qui pratiquait le vaudou, tandis qu'un ambulancier s'occupait de Gabe et qu'un inspecteur interrogeait son frère et ses amis :

« - Donc, elle vous a frappé au visage avec une planche et s'est enfuie ? – Demanda avec insistance l'inspecteur qui s'adressait à Fergus.

- C'est exact. J'ai ouvert la porte et je me souviens juste avoir vu cette planche m'arriver droit dessus.

- Bien, je vous remercie, Monsieur Ferguson. – Il s'adressa ensuite à ses quatre interlocuteurs. – Si jamais certains détails vous revenaient en mémoire, même si, sur le moment, ils vous ont parus insignifiants. – Il tendit sa carte à Morgan : Inspecteur Kyle Andrews. – N'hésitez pas à me contacter.

- On le fera. – Lui répondit ce dernier. »

L'inspecteur inclina la tête et rejoignit ses hommes qui l'attendaient pour lui faire leur rapport. De leur côté, Morgan, Fergus, Eleanor et Garret se dirigèrent vers l'ambulance.

 

Epilogue >>> >>>