Chapitre 5

 

Extérieur Glasgow - Manoir Oswald

« Tu n'es pas obligé… Mais, le boulot… le conservateur compte sur nous… Je vois que ta décision est prise… Tu arrives quand ? … D'accord, à tout à l'heure. Je t'aime…Bisous. »

Morgan raccrocha le combiné, puis il se rendit près du bar où il se versa un verre de scotch. Sans prendre la peine de se retourner, il s'adressa à son frère :

« - Tu as une idée de ce que nous veut Fergus ?

-  Non, aucune. – Tout en répondant à son aîné, Gabriel fixait l'enveloppe qu'il avait dérobée.

-  Pourquoi tu ne l'ouvres pas ? – Demanda Morgan qui venait de s'asseoir près de lui.

-  Elle… »

Le jeune homme ne put terminer sa phrase, Fergus venait d'entrer dans le salon, l'air grave, une vidéo à la main. Il s'approcha du téléviseur, glissa la cassette dans le magnétoscope et alluma le poste. Morgan et Gabriel s'échangèrent un regard interrogatif. Que pouvait bien signifier cette mascarade ? Leur question ne resta pas sans réponse bien longtemps. Assis derrière son secrétaire, Ira leur faisait face.

Mes chers fils. Si vous regardez cette vidéo, c'est que je ne suis plus. Sachez que j'aurais souhaité vous épargner une telle épreuve, mais aujourd'hui il est primordial que vous connaissiez la vérité pour votre propre sécurité. Tout ce que j'ai fait, je l'ai fait par amour pour vous, n'en doutez jamais, même après ce que je m'apprête à vous révéler. Contrairement à ce que je vous ai toujours dis, votre mère n'est pas morte suite à ta naissance, Gabe. A vrai dire, j'ignore si elle est toujours de ce monde. L'ont-ils capturée, a-t-elle réussie à leur échapper ? Je n'ai pas de réponses, juste l'espoir… Elle était extraordinaire… Extraordinaire par ses origines, sa sagesse, son intelligence, sa beauté. Comme tous ceux de sa race, elle possédait des capacités physiques et psychiques inimaginables, innées quand on naît Atlante. – La stupéfaction et l'incrédulité se lisaient dans les regards de Morgan et Gabriel. – Je sais que ça peut paraître incroyable, mais c'est la stricte vérité. Le mythique continent de l'Atlantide n'est pas une légende, il a réellement existé, sa disparition n'est pas un mystère pour ceux qui savent. C'était la seule solution pour ce peuple d'éviter la convoitise de l'homme, l'histoire n'a-t-elle pas prouvée à maintes reprises que notre civilisation recherche la connaissance pour avoir toujours plus de pouvoir ? En tant que fruits de l'union de nos deux espèces, vous êtes, vous aussi menacés. Dès ton plus jeune âge, Morgan, tu as manifesté certaines prédispositions. Je me rappelle cette fois où un petit faon qui traversait la route s'était arrêté à proximité d'un virage. Tu m'as dit, tut, tut, l'air complètement affolé. Comme je revenais de la chasse, j'ai attrapé mon fusil et tiré un coup de feu en l'air. L'animal a déguerpi à toute vitesse, au moment même où une voiture arrivait. C'était incroyable… Ce qui m'amène au principal, Pandora. Cet ordre, dont les membres font partis des puissants de cette terre, existe depuis la nuit des temps. Ils veulent retrouver l'Atlantide afin de s'emparer du pouvoir absolu. S'ils parvenaient à mettre la main sur l'un de vous deux, ils vous étudieraient comme de vulgaires rats de laboratoires, et ça je ne le veux pas ! ! ! Je me sens si sale d'avoir pu un jour appartenir à cet ordre… Mais mon père était membre, comme l'avait été son père avant lui, je n'avais pas le choix… Pour les reconnaître, rien de plus simple, ils portent à leur cou une amulette en or, représentant l'œil d'Horus, incrusté en son centre, d'un rubis. – Gabriel repensa, alors, à ce qui lui avait dit la voix : « fuis l'œil de feu » – Voilà, vous savez tout. Je laisse à Fergus, le soin de vous expliquer la suite des événements… J'espère que vous saurez me pardonner… Je vous aime.

Sur ces dernières paroles, Ira disparut de l'écran, à tout jamais. Fergus s'approcha alors du magnétoscope et récupéra la vidéo. Pendant ce laps de temps ni Morgan ni Gabriel ne bougèrent ou ne proférèrent le moindre son. Planté devant le téléviseur, le domestique attendait. Morgan se leva soudain et fit les quatre cent pas le long du canapé. Il ne savait que penser, que croire. Comment une personne saine d'esprit pouvait-elle imaginer l'existence réelle de l'Atlantide ? C'était tellement ridicule ! Il s'arrêta pour faire face à l'homme qu'il considérait comme un second père :

« - Dites-moi que c'est une ignoble farce ! Comment… Enfin, ce n'est pas possible !

-  C'est la stricte vérité. Croyez-vous vraiment que votre père et moi-même aurions pu vous faire une telle plaisanterie ? Ce serait de mauvais goût.

-  Dans ce cas, pourquoi je ne me souviens pas avoir manifesté de dons particuliers ?

-  Après la disparition de votre mère, c'était comme si vous n'aviez jamais été différent.

-  Alors, je n'ai que votre parole…

-  Pas exactement. – Fergus se dirigea vers le tableau expressionniste accroché au-dessus de la cheminée et le retira. Derrière, se trouvait un coffre-fort dont les deux frères ignoraient l'existence. Il l'ouvrit et en sortit un rouleau qu'il remit entre les mains de Morgan.

-  Seigneur ! – Il s'agissait d'un vieux parchemin recouvert de pictogrammes inconnus.

-  Vous n'avez jamais vu de tels symboles, n'est-ce pas ?

-  Certains caractères sont proches du sumérien, mais… Non, je n'avais jamais vu ça auparavant… L'aspect du papier me laisse à penser qu'il… est antérieur à l'Egypte Ancienne.

-  En effet.

-  Où avez-vous eu ça ?

-  C'est votre père qui l'a dérobé à Pandora.

-  Je… Gabriel, qu'en penses-tu ? – Son jeune frère n'avait toujours pas bougé.

-  Je crois Fergus et tout ce que nous a dit papa… parce que… je savais pour l'œil d'Horus.

-  Tu savais ?

-  Depuis quelques jours, j'entends une voix dans ma tête. Elle m'a avertie d'un danger et… papa est mort. Elle m'a aussi parlé d'un œil de feu… l'amulette de Pandora. Ce ne sont pas de simples coïncidences, je crois que, j'ai une sorte de sixième sens.

-  J'ai… - Hésita Morgan. – J'ai eu des flashs sur la mort de papa avant qu'elle ne se produise. Je ne l'ai pas vu mourir… non… mais j'ai vu les feux de la voiture, les éclairs et puis… du sang.

-  Et bien… je ne sais pour quelles raisons, mais il semblerait que vos pouvoirs refont surface. – Le majordome se tut un instant. – Enfin, passons aux choses sérieuses. Ce n'est plus qu'une question de temps maintenant avant que Pandora ne débarque ici. Dès que la police aura quittée la propriété, il nous faudra partir. C'est pourquoi je vous demande de préparer vos valises. N'emportez que le strict nécessaire. Là où nous allons, vous n'aurez besoin de rien d'autre.

-  Attendez ! – Intervint Morgan. – Aujourd'hui ? ! Nous devons partir aujourd'hui, comme ça, sans rien dire à personne ? !

-  Vous m'avez bien compris, Monsieur Morgan.

-  Mais enfin, nous avons une vie ici ! Mon travail que j'adore ! … et puis il y a Eleanor et Garret…

-  Je ne le sais que trop bien… Mais vous n'avez pas le choix, c'est ça ou Pandora. Je ne suis pas en mesure de vous défendre. Par contre, là-bas, vous aurez toute la protection nécessaire.

-  Partons vite alors. – Fit Gabriel, l'air résigné. – Parce que c'est bien trop dur… »

Suite à l'intervention de son frère, Morgan jugea préférable de se taire malgré tout le dégoût que lui procurait cette fuite. Parce que c'était bien de cela qu'il s'agissait, de fuite. Il n'était pas lâche, il ne l'avait jamais été, et pourtant… Comment son propre père avait-il pu lui faire ça ?

 

Endroit inconnu - Glasgow

Balayée par un petit vent d'ouest, une feuille de papier encore mouillée suite aux intempéries vint se coller contre la roue de l'un des véhicules qui étaient postés devant un vieil immeuble désaffecté. Muni d'un téléphone portable, un homme noir, l'air imposant, parlait avec l'un de ses subordonnés. Il fit signe à ce dernier qu'il pouvait disposer et plaça le cellulaire contre son oreille :

« Nous avons l'adresse, Monsieur. Quels sont vos ordres ? … Très bien. »

Il raccrocha, la mine satisfaite.

 

Manoir Oswald

Le mauvais temps avait reprit ses droits et quelques gouttes venaient s'écraser contre les fenêtres de la cuisine. Une tasse de thé fumante posée devant lui, Morgan discutait avec Eleanor et Garret. Leurs paroles, pleines de réconfort, lui brisaient le cœur. Il était sur le point de les abandonner sans leur donner la moindre explication. Comment pouvait-il encore les regarder en face ? C'est alors qu'il prit la décision de leur parler, sans leur avouer pour autant les véritables raisons de ce départ si soudain :

« - Je ne sais pas comment vous l'annoncer, mais… Gabe et moi, nous partons. Je veux dire que… nous quittons définitivement la ville… ce soir même.

-  Ce soir ? ! - Répéta Eleanor abasourdie.

-  Non, là tu rigoles mec ? Il rigole, c'est obligé… - Garret attendait que son ami confirme et n'eut en retour qu'un silence lourd de sens.

-  Je dois partir, vous comprenez. C'est à cause… c'est à cause de mon père.

-  Tu sais qui l'a tué… - Comprit Eleanor. – Pourquoi ne pas prévenir la police ?

-  Elle ne peut rien contre eux, absolument rien.

-  Tu as pensé à nous ?…

-  Et au Musée ? – Poursuivit Garret. – C'était notre rêve depuis le collège !

-  Pourquoi croyez-vous que je vous en parle ? Pour le plaisir !

-  On a toujours le choix, Morgan. – Dit Eleanor d'une voix éteinte avant de se lever. – J'ai besoin de prendre l'air.

-  El… - Garret attrapa le bras de Morgan.

-  Laisses-là. Tu ne ferais qu'envenimer les choses.

-  Mais… - Il la regarda sortir de la cuisine, puis se réinstalla. – Tout va trop vite, beaucoup trop vite.

-  Je vais te donner un conseil, vieux. Demandes-lui.

-  Quoi ?

-  Si tu ne comprends pas, je ne peux rien faire pour toi. – Garret se leva, prêt à partir.

-  Où vas-tu ?

-  Je rentre chez moi.

-  J'ai besoin de ton soutien, Garret…

-  Tu l'as toujours eu… »

 

Fergus venait de charger la dernière valise dans le coffre de la fourgonnette parquée à l'arrière du Manoir. Tout ce qu'il pouvait faire à présent, c'était attendre. Attendre le départ de la police, attendre l'arrivée des hommes de main de son vieil ami disparu. Il espérait juste que leurs poursuivants n'arriveraient pas avant eux, car il savait qu'ils n'avaient que très peu d'avance, trop peu.

 

Collines surplombant le Manoir Oswald

Quelques voitures des services de l'ordre étaient encore postées dans la cours du Manoir des Oswald. L'homme noir abaissa ses jumelles et se retourna pour faire face à ses hommes :

« - Messieurs, l'heure de passer à l'action approche. L'objectif de la mission est simple. Capturer les cibles, éliminer tous les témoins. S'il arrivait un quelconque malheur à l'une ou l'autre des cibles, je m'occuperai personnellement du responsable. Est-ce bien clair ?

-  Oui, Monsieur. »

Satisfait, l'homme noir esquissa un sourire. Il ne pouvait pas échouer. A lui la promotion.

 

Manoir Oswald

Gabriel raccrochait le téléphone, lorsque son frère entra dans le salon :

« - Tu as vu Eleanor ?

-  Elle est dans la véranda.

-  Bien…

-  Tu ne vas pas la rejoindre ?

-  Si… Je… Tu as parlé à tes amis ?

-  Je viens d'appeler Calvin.

-  Et alors ?

-  Il m'a dit à lundi. C'était si étrange…

-  Et ta cavalière ?

-  J'ai eu sa mère…

-  Qu'est-ce que tu lui as dit ?

-  Que je ne pourrais pas venir au bal de demain soir, que j'étais navré…

-  Désolé…

-  ... – Gabriel jeta un coup d'œil à la véranda. Tu ferais bien d'y aller, tu ne crois pas ?

-  Ouais… »

Gabe regarda son frère s'éloigner. Heureusement qu'il était là. Puis, il alla s'asseoir dans le canapé et plaça ses mains contre son visage. Il était fatigué, fatigué de toute cette histoire. Ses yeux ne pouvaient même plus sécréter de larmes tant il était las. Il ferma les yeux et posa sa tête contre le sommier.

La clé, trouves la clé, Gabe.

Cette satanée voix venait de se manifester, une fois de trop. Pourquoi fallait-il qu'elle lui pourrisse la vie ? Il venait de perdre son père, merde ! Il avait le droit de se reposer ! Il n'avait rien à faire de cette foutue clé, rien du tout :

« Qui que vous soyez, allez au Diable ! ! »

 

« - Je ne te dérange pas ? – Eleanor se retourna.

-  Qu'est-ce que tu veux, Morgan ?

-  Je t'aime et je ne peux pas vivre sans toi… Ce que tu m'as dit tout à l'heure était vrai, on a toujours le choix… Alors, viens, pars avec nous, avec moi… Viens… - Un long silence s'en suivit.

-  Je… C'est… Oui, oui. – La jeune femme se jeta dans les bras de son bien aimé. – Oui. – Elle l'embrassa. – Je t'aime, je t'aime tellement. »

 

 

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